Même au rayon de l’ultragourmandise, les consommateurs demandent des garanties
Les offres classiques, vertueuses et gourmandes ont désormais leur place en DA, mais chacune porte en elle des valeurs et dessine un monde bien différent.
Si la « pâtisserie » renvoie plutôt aux « pâtes jaunes » et moelleuses comme les madeleines ou gaufres, quand la « biscuiterie » fait référence à des gâteaux secs type cookies ou galettes, ces deux spécialités se partagent le marché de la DA et de la gourmandise avec une mis-sion : en proposer pour tous les goûts, et savoir s’adresser à un client partagé entre raison et gourmandise, entre produits sains et produits transgressifs. Pour répondre à cette ambivalence, et profiler parfaitement son offre, Gourmalliance a créé deux marques spécifiquement destinées au marché de la DA ; « d’un côté, L’atelier des gourmands qui propose des produits gourmands en pâtisserie ou biscuiterie, de l’autre Richard & Jean, une gamme plus healthy, voire bio, avec des pro- duits vegan et sans gluten, » explique Gauthier Frilley, chargé d’affaires DA pour Gourmalliance. Au total ce sont 70 références et des nouveaux produits qui arrivent à rythme régulier. « Si c’est la gamme saine Richard & Jean qui nous a permis d’attirer de nouveaux clients et de nous implanter, les rotations les plus importantes se font sans surprise sur les produits gourmands », note d’emblée Gauthier Frilley. Au Top 3 des références qui totalisent le plus de ventes : les classiques grandes gaufres liégeoises aux perles de sucre et mi-choco (L’atelier des gourmands) arrivent en tête, suivies par des biscuits cacao, et plusieurs barres de céréales (Richard & Jean). Justement, « le marché des barres céréalières est en croissance tous circuits confondus (1). Les perfor- mances de notre barre Grany Envie de Nuts, sortie début 2021 en Hors Domicile, démontrent dès sa première année de lancement (2) qu’elle répond à plusieurs demandes des consommateurs : de la gourmandise d’abord, avec une texture crunchy et un goût chocolaté mais aussi une recherche de naturalité et de produit brut donnée par des inclusions généreuses de fruits à coque (amandes et cacahuètes). S’ajoutent un bon positionnement prix, un packaging transparent, et du cacao issu du programme Cocoa Life (3) », explique Clara Taunay, Category Manager Biscuit Hors Domicile chez Mondelez International. Aujourd’hui, le groupe est particulièrement présent en Distribution Automatique sur le segment des « biscuits céréaliers et des gâteaux moelleux, deux catégories de produits qui ont le plus de poids en assortiment et en volume (4) », illustre Clara Taunay. Et c’est LU qui en est le leader incontesté ; à elle seule, la marque – ou ses marques (5) – représente 50 % des volumes en biscuiterie (6). Parmi les marques abritées par LU, Prince arrive en tête, suivi par Napolitain et Granola. A elles-trois, ces marques représentent 40 % des volumes en 2019 (7). Et si l’on descend au Top 3 des références qui totalisent 53 % des volumes (8) : c’est Prince 80 g (4 biscuits fourrés goût chocolat), suivi par Napolitain l’Original 60 g (2 gâteaux moelleux de 30 g) et Milka cookie sensation 52 g (2 cookies gourmands).
Les classiques, les vertueux & les bios…
Et l’on touche à l’une des spécificités du marché de pâtisserie et biscuiterie en DA : un marché où les classiques tiennent le haut du pavé, soutenus par le besoin de réassurance d’un consommateur pour qui gourmandise doit aussi rimer avec « sans surprise ». Une tendance encore accentuée par la crise du Covid qui, fragilisant les gestionnaires, les pousse à se réfugier sur les valeurs sûres du secteur « pour renflouer les caisses sans aucun risque », ajoute Gauthier Frilley. En témoigne le retour, avec succès chez Mondelez, du gâteau Napolitain 60 g en Hors Domicile (dont 90 % des volumes (9) se fait sur réseau « On-the-go » (10)), un gâteau commercialisé pour la première fois en 1961 à l’usine de Jussy qui fête ses 100 ans cette année. Même son de cloche chez Pâtisseries Gourmandes (Ker Cadélac) : « Avec la crise du Covid, nous avons freiné nos innovations car nos clients gestionnaires, mis à rude épreuve entre la fin du gobelet plastique et la crise sanitaire, ont recentré leurs approvisionnements sur les produits principaux ; nous avons déjà une offre large, et nous attendons un peu pour les nouveautés, d’autant que les boissons chaudes restent le coeur du métier en DA », pointe Thomas Dalla Costa, Directeur commercial réseaux spécialisés chez Ker Cadélac. Et c’est bien sur deux produits pâtissiers his-toriques que Ker Cadélac réalise le plus gros de ses ventes : les madeleines coquille nature (14 g x 6) et les galettes saveur amande (100 g). « Nos seules galettes saveur amande représentent plus de 6 millions d’unités par an ; il s’agit d’un gâteau-repas qui répond parfaitement à la demande d’une certaine clientèle en DA : un produit satiétogène et roboratif et un triptyque gagnant poids-qualité-prix», explique Thomas Dalla Costa. Chez St Michel enfin, leader sur le segment de la madeleine en DA, ce sont bien les piliers « madeleines nomades x 5 nature 85 g et pépites 75 g » qui sont le plus fortement implantées et consommées. Par ailleurs, la marque continue à innover avec à venir en mars 2022, « une déclinaison de format d’une de nos top innovations moelleuses 2021 qui répondra à la demande des consommateurs de produits nomades moelleux, gourmands et chocolatés et suffisamment généreux pour caler un petit creux », détaille Gaël Randegger, Chef de produit St Michel CHD. Capitalisant sur ces produits, la marque tente aussi de renforcer sa légitimité côté biscuits avec l’implantation, depuis avril 2021, du cartouche de galettes St Michel au chocolat (x 6). De la nouveauté, oui, mais à condition qu’elle s’ajoute à un produit déjà bien identifié. A côté des valeurs sûres, certains industriels ont choisi de développer des gâteaux aux vertus diététiques. Selon Jean-René Pellicer, Responsable développement circuits RHD chez Nutrition & Santé, présent en DA à travers la marque Gerblé, il n’y a pas de doute : « Si la DA souffre depuis les confinements successifs et à cause de la mise en oeuvre de plus en plus forte du télétravail, la tendance est aux promesses nutritionnelles fortes qui ont un bon écho en entreprise et dans les bureaux. Ce qui fonctionne, c’est aussi la défense des filières françaises qui trouve un écho tous circuits confondus », note ce dernier. Gerblé est ainsi présent sur le segment des biscuits diététiques à promesses, et promeut des recettes sources de vitamines et minéraux enrichies au germe de blé. Pour ces deux familles de produits que sont les classiques et les vertueux, le bio apparaît comme une garantie supplémentaire à une démarche déjà engagée de « mieux-manger » et de transparence, sans pour autant être un critère prédominant (voir encadré). Première marque à arriver avec une offre de biscuits bio en DA, St Michel continue d’ailleurs à monter en diffusion sur la cartouche de galettes bio « pour apporter une réponse à une nouvelle attente des consommateurs et permettre aux gestionnaires de DA d’avoir une offre biscuits bio à proposer sur un produit iconique, connu et rassurant », ajoute Gaël Randegger. Depuis 2019, Gerblé a également crée sa gamme de biscuits bio avec deux nouvelles recettes : Cranberry saveur amande et gingembre saveur citron avec une teneur réduite en sucres et un Nutriscore B (Format 33 g x 3 biscuits). Enfin, juste avant le confinement, c’est Ker Cadélac (Pâtisseries Gourmandes) qui sortait sa maxi-madeleine bio (45 g).
… et les ultragourmands
Troisième famille de la pâtisserie/biscuiterie, à côté des classiques et des vertueux, les produits « ultragourmands » ou régressifs sont particulièrement représentés en DA. N’oublions pas que la pause en entreprise est originellement marquée du sceau de l’impulsion ; pas étonnant qu’elle reste l’un des rares moments où l’on s’autorise encore – à petite ou grosse dose – de vraies gourmandises y compris « transgressives » (sucre, présence d’huile de palme, etc.). A la manière du flexitarisme et de la consommation de viande, peut-on imaginer que ce soit le même consommateur qui puisse à la fois jouer la carte de la vertu un jour, et choisir le lendemain un gâteau gras, riche et sucré pour se faire plaisir afin de varier les registres en fonction de ses envies et de ses autres prises alimentaires ? Sans doute, car les industriels de l’ultragourmandise n’ont pas l’air de chercher à donner à leurs produits des garanties diététiques. Chez Ferrero justement, tenant de la gourmandise s’il en est, l’on insiste sur la notion de plaisir, mais aussi sur la nécessité de le replacer « dans une consommation responsable, c’est-à-dire dans le cadre d’une alimentation équilibrée et d’un mode de vie sain. Pour nous, la notion de plaisir dans l’alimentation est primordiale, et nous pensons qu’il y a encore et toujours la place pour des produits plaisir en DA », explique Aurélie Dubois dit Nais, Category Manager circuit Impulse chez Ferrero. A charge donc au consommateur d’être raisonnable… Bien loin donc de la diététique, Ferrero innove cette année avec Nutella Biscuits (étui de 3 biscuits) lancé mi-mars 2021 en DA. « Sur ce dernier produit, nous avons déjà des rotations très positives et prometteuses 6 mois seulement après son lancement puisqu’il arrive N° 1 (11). Avec Nutella B-Ready, ce sont les deux best-sellers du rayon biscuit qui sont désormais présents en DA, reflet de la stratégie de Ferrero : créer des marques fortes et choisir de proposer les biscuits aux croissances les plus fortes en DA », expose Aurélie Dubois dit Nais. Côté gourmandise justement, ce sont bien les biscuits chocolatés (+ 5,2 % de croissance valeur (12)) qui tirent la croissance de cette catégorie de l’épicerie sucrée avec une croissance valeur des biscuits à + 3 % (13). Ferrero (dont Delacre) dynamise la catégorie et atteint 12 % de PDM (14) grâce à des lancements comme Nutella B-Ready, Nutella Biscuits, Kinder Cards et plus récemment Kinder Happy Hippo, Kinder CereAlé et les cookies Delacre. Avec un ingrédient phare indissociable de la gourmandise, le chocolat : le segment des biscuits chocolatés pèse à lui seul 54,5 % du marché (en valeur) et contribue à 93,5 % à la croissance de la catégorie biscuits (15). Mais l’ultragourmandise ne fait plus exception et n’échappe pas à la règle de donner à ses consommateurs certains gages en matière de santé ou à défaut d’environnement.
Un gâteau, des valeurs
Recettes Clean, ingrédients proscrits, fabrication française, réduction des emballages, il n’y a que l’embarras du choix pour s’engager vers plus de durabilité et un moindre impact sur l’environnement y compris sur la catégorie plaisir. Certaines marques comme St Michel, Ker Cadélac ou Gerblé (Nutrition & Santé) ont déjà pris une longueur d’avance en se construisant dès le départ autour d’une série d’engagements. Chez St Michel, « la Charte du goût garantit depuis 2009 de la farine de blé français sans insecticide de stockage issu d’une filière de blé certifiée, des oeufs de poules élevées en plein air depuis 2015, des recettes sans colorant, sans conservateur et sans matières grasses hydrogénées ni huile de palme depuis 10 ans. D’ici à 2023, la marque s’engage, de plus, à s’approvisionner en sucre 100 % français, à supprimer l’additif E450 et à garantir une alimentation sans OGM des poules pondeuses », détaille Gaël Randegger. Chez Ker Cadélac, on refuse également l’huile de palme, les matières premières contenant des OGM ou ionisées, pour privilégier des arômes naturels et des recettes sans colorants. Et l’on s’engage aussi à favoriser des matières premières d’origine France, et notamment la farine de blé et des oeufs frais avec l’objectif d’être à 100 % d’oeufs de poules plein air au plus tard en 2025 ; de plus, « la réflexion est engagée pour faire évoluer la barquette de madeleines en plastique vers un plastique différent ou du kraft, mais cela demandera du temps puisque les emballages doivent aussi garantir une étanchéité totale et être compatibles avec notre matériel d’usine », note Thomas Dalla Costa. Gerblé s’investit aussi sur plusieurs fronts : pas d’huile de palme, une fabrication française, une filière de blé 100 % française et durable (sans aucun traitement sur le grain récolté), et des gâteaux garantis sans colorant ni conservateur. Et les apôtres de l’ultragourmandise doivent bien suivre le pas, au moins côté emballages ; le groupe Ferrero a par exemple pris l’engagement « de rendre 100 % de ses emballages réutilisables, recyclables ou compostables d’ici à 2025 et aussi de réduire ses émissions de CO² de 43 % par tonne de produits fabriqués d’ici à 2030 », expose Aurélie Dubois dit Nais. Première concernée, la boîte de pralines Ferrero Rocher de 30 bouchées aura 38 % de plastique en moins par rapport à l’ancienne boîte, alors que les pots en verre Nutella seront mis en consigne grâce au programme Loop initié en France par Carrefour. Mondelez s’engage aussi pour diminuer son impact environnemental : « 93 % de nos emballages sont conçus pour être recyclables et nous avons un objectif de 100 % à 2025 ; sur Napolitain, en France, nous avons réduit de 15 % son emballage sur le pack carton en optimisant son utilisation », illustre Clara Taunay.