Céline Laisney est
Directrice d’AlimAvenir
Lors d’une conférence du Fonds français pour l’alimentation et la santé « Quelles innovations pour l’alimentation de demain », le cabinet AlimAvenir a décrypté le potentiel de 13 tendances regroupées en 3 familles.
Originale, la méthode adoptée par AlimAvenir consiste à mesurer les tendances et leur évolution, à les analyser à l’horizon 2030 en se basant sur l’acceptabilité des consommateurs, leur rentabilité économique, leur impact environnemental, les éventuels obstacles réglementaires… Ensuite, les treize tendances émergentes ont été hiérarchisées en débattant des questions suivantes : Une tendance va-t-elle continuer à se développer ou rester marginale ? Concernera-t-elle l’ensemble de la population ou une catégorie de consommateurs ? L’enquête a été menée auprès d’une cinquantaine d’acteurs clés de la production, de l’agroalimentaire et de la distribution. Des responsables Stratégie, Recherche et Innovation, Marketing, des chercheurs et des experts se sont exprimés sur l’évolution probable des tendances et ont noté de 0 à 10 leur probabilité de se renforcer.
Les tendances qui se renforceront et se généraliseront
Les perspectives des produits à base de protéines végétales sont les plus prometteuses. Cette tendance « va de pair avec la montée du végétarisme et du véganisme » et « représente un gisement très important qui n’est pas utilisé aujourd’hui pour l’alimentation humaine alors que les protéines sont de bonne qualité », précisent les experts en listant les conditions de son essor ; « quelques verrous technologiques à faire sauter », des progrès à apporter en termes de « qualité gustative et de praticité », la nécessité de faire de la « pédagogie » auprès du consommateur et de mettre en place « une communication adéquate ». Alors que de nouveaux produits sont attendus dans les plats cuisinés et les snacks, les « simili-viandes végétales » et les biscuits, une « diversification des sources au-delà du soja » est évoquée pour rendre l’offre attractive. Le potentiel de l’e-commerce alimentaire et la recherche de produits locaux en GMS talonne cette tendance, tandis que celui du flexitarisme et du végétarisme suscite des avis partagés. Aux détracteurs qui parlent d’« illusion marketing » ou d’« effet de mode », les défenseurs soutiennent ainsi le mouvement. « Prolongement d’une tendance lourde qui dure depuis longtemps (…) d’autant plus importante qu’elle concerne de plus en plus les jeunes », sa poursuite est « irrémédiable », une « certitude » dans les pays développés, flexitarisme et végétarisme devraient entraîner le développement « de sources de protéines alternatives à la viande », « de produits de substitution comme les steaks végétaux ou même les viandes produites in vitro ». Plusieurs avis convergent vers l’idée que « le flexitarisme prendra le pas sur le végétarisme » avec des consommateurs « qui continueront à manger de la viande mais moins », « prêts à mettre plus cher dans une viande de qualité pour favoriser les origines, les races et les modes d’élevage ». Pour leur part, les produits bio s’installent en habitude de consommation et « pour certains, la part de marché du bio atteint d’ores et déjà des niveaux non négligeables ». Le bio « se démystifie et continue de rassurer » mais son surcoût rendrait sa progression dépendante de l’évolution du pouvoir d’achat, et la capacité de la production française à suivre l’évolution de la demande inquiète. « Idéalisé, le bio n’est pas à l’abri d’un bad buzz de certaines filières », préviennent ceux qui estiment qu’« il ne se développera qu’en l’absence de scandales/abus de confiance et s’il parvient à éviter les controverses. » Outre cette épée de Damoclès, sont évoquées la concurrence de l’« agriculture durable/raisonnée », de l’offre de type « naturalité avec une définition plus large que le bio » et les « produits issus des circuits courts ».