Les assiettes en fibres moulées zéro plastique
Huhtamaki sont sans plastique et compostables à domicile.
Entre le second volet de la loi « EGALIM » autour de la réduction des déchets plastiques et le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, les restaurants se doivent d’incarner le renouveau de la société en matière d’écologie. Retour sur les dernières avancées législatives et les alternatives possibles.
Diminuer l’usage du plastique, écoconcevoir, accentuer les efforts de tri, mais aussi contrer le « tout jetable » et les objets à usage unique quelle que soit la matière utilisée (y compris si celle-ci est biosourcée), ainsi pourrait-on résumer la feuille de route assignée à tout citoyen et toute entreprise « responsable » de notre planète. Alors que le premier décret n°2019-1451 (adopté le 24 décembre 2019) relatif à la loi « EGALIM » donnait un nouveau cadre légal pour les produits en plastique à usage unique, celui-ci pourrait à nouveau évoluer avec à la fois l’arrivée d’un arrêté ministériel attendu rapidement (1), et aussi le texte de loi définitif portant sur la loi de lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire porté par le Ministère de la transition écologique et solidaire. Aussi, un point s’impose pour tenter d’y voir clair.
Les interdictions actuelles et à venir en restauration
Depuis le 1er janvier dernier, la vente et l’usage en restaurants de certains contenants 100 % constitués de plastique comme les gobelets, verres et assiettes jetables (2) non emballages sont interdits en France. Il faut immédiatement comprendre ce qui distingue les contenants non emballages et les emballages ; les contenants non emballages désignent notamment les gobelets, verres ou assiettes couramment utilisés pour les pique-nique, les mêmes utilisés pour les événements festifs, privés ou publics, par exemple les gobelets, verres et assiettes fournis avec des aliments ou des boissons déjà disposés dans un autre contenant (3). Peuvent être qualifiés d’emballages, donc encore autorisés de mise sur le marché jusqu’au 3 juillet 2021, les gobelets ou verres des fontaines à eau, des « OCS » (Office Coffee Service) en corner café ou des distributeurs automatiques de boissons chaudes ou froides. Délivrés pleins ou conçus pour être remplis au point de vente (ou point de mise à disposition gratuite), ils se voient assimilés à des emballages. Le gobelet emballage composé entièrement de plastique reste encore autorisé de mise sur le marché jusqu’au 3 juillet 2021. A compter du 3 juillet 2021, le gobelet emballage composé entièrement de plastique sera aussi interdit de mise sur le marché. Les « spatules » en plastique sont également interdites de mise sur le marché depuis le 1er janvier 2020, ainsi que les pailles, piques à steak, couvercles jetables ou contenants alimentaires en polystyrène expansé (boîtes d’emballage des sandwiches « kebab »), et couverts tout plastique avec un délai d’écoulement des stocks n’excédant pas six mois à compter du 1er janvier 2020. Et à ceux qui crieraient à un zèle franco-français, l’Europe va aussi dans ce sens avec l’adoption de la Directive « SUP » (« Single-Use Plastics ») 2019/904 qui prendra le relais de la France à horizon 2026 pour lutter contre le déversement chaque année par l’Union Européenne de 150 000 à 500 000 tonnes de déchets plastiques dans les océans.
Les fabricants se concentrent sur des alternatives
Sur l’interdiction de certains ustensiles de restauration en tout plastique (depuis le 1er janvier 2020 ou à compter du 3 juillet 2021 selon les cas), les acteurs sont plutôt en ordre de marche, s’appuyant sur les innovations des fabricants d’emballages plastiques à destination des produits alimentaires et notamment les gobelets en papier-carton pelliculé avec une fine couche de plastique nécessaire à l’étanchéité. « Nous avons réalisé des investissements massifs dans notre usine de Béthune pour augmenter l’outil de production et être en mesure de proposer des alternatives notamment pour le marché du catering et les gobelets vendus en grande surface ; nous sommes ainsi passés du tout plastique au papier-carton pelliculé recyclable, et nous travaillons déjà en R&D à un gobelet 0 % plastique pour préparer l’arrivée de la directive européenne », expose Ludovic Delegrange, Chef des ventes chez Flo Vending, fabricant de vaisselle jetable et capsules de café plastique. Au rayon gobelets, la distribution automatique s’inquiète beaucoup puisque pour l’heure aucune solution industrielle n‘a permis de faire un gobelet à la fois tout carton ET machinable ; « si le cadre légal devait évoluer vers des gobelets 100 % carton, nous aurions besoin de temps pour mettre sur pied des solutions qui n’existent pas encore, » tonne Yoann Chuffart, Délégué général de NAVSA (Cf. article p.10). Huhtamaki, spécialisé dans les packagings, a travaillé de son côté sur une assiette en fibres moulées « sans plastique, compostable à domicile et présentant de nombreux avantages : rigidité, résistance aux coups de couteaux et aux plats en sauce, compatibilité avec un réchauffage possible au micro-ondes », présente Claire Chassagne, marketing manager chez Huhtamaki. D’autres industriels agissent aussi en aval ; c’est le cas du groupe Paccor, spécialisé dans les emballages en plastique pour les produits alimentaires, qui a rejoint le programme de partenariat Digimarc pour mettre en place des codes-barres digitaux destinés à améliorer le tri des plastiques. « Directement embossé (4) sur l’emballage PET, le code-barres permet de l’identifier pour qu’il soit réutilisé sur le marché alimentaire. Cette identification rend le processus plus efficace en centre de tri et permet d’étendre le recyclage du plastique PET (au-delà des bouteilles d’eau). Notre volonté est de commencer par le plastique PET, en ciblant principalement les produits alimentaires vendus en supermarchés et le segment de la restauration rapide, mais ensuite d’aller vers d’autres plastiques plus complexes à trier (notamment PP et PS) pour à terme augmenter significativement la masse de matière recyclée sur le marché, » explique Yoann Bouvet, Head of Food Service & Vending Europe chez Paccor. De son côté la Fédération de la plasturgie et des composites tente de redorer le blason de ce matériau en lançant le label MORE (MObilisés pour REcycler), un label décerné aux industriels qui sourcent des matières plastiques recyclées dans leur production et attribué sur la base de simples déclarations.
Vers l’arrêt de la vaisselle à usage unique pour la restauration sur place ?
Ce qui fait beaucoup réagir, notamment les ténors de la restauration rapide, c’est la possible interdiction à horizon 2023, dans le cadre de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (5), de la vaisselle à usage unique (couverts, contenants, emballages y compris en papier ou carton) pour les repas et boissons pris sur place au profit de vaisselle lavable et réutilisable. Sur ce projet de loi, le SNARR (Syndicat National de l’Alimentation et de la Restauration Rapide) est rapidement monté au créneau (6) faisant valoir « les engagements forts de la profession par ailleurs et sur des leviers multiples notamment le déploiement du tri des déchets en salle dans les enseignes de restauration rapide, le plan Zéro plastique adopté avec l’objectif de 100 % des établissements engagés à horizon 2021, et les efforts d’écoconception, » détaille Esther Kalonji, Déléguée générale du SNARR. Principal argument contre l’amendement ? Une totale contradiction entre les investissements demandés et réalisés en matière de déploiement du tri en salle et d’écoconception des emballages et ce projet d’interdiction jugé inique alors que Mc Donald’s, par exemple, serait responsable de pollutions assourdissantes (2,8 tonnes d’emballages jetables utilisés chaque minute dans le monde (7). Dans un communiqué commun, le même SNARR et la Fédération des entreprises de boulangerie (FEB) plaident ainsi pour « la mise en place d’une politique publique cohérente ». Or, pourquoi ces entreprises précisément parmi les plus polluantes ne seraient-elles pas aussi les moteurs les plus puissants d’un changement de mentalité réclamé par les citoyens sachant que le meilleur produit pour l’environnement est indéniablement celui qui n’est pas produit, et que la priorité est bien d’agir à la source ? Autre interrogation mise en avant par le SNARR : outre le coût d’équipement (lave-vaisselle, et réaménagement des lieux) travailler avec de la vaisselle réutilisable serait une ineptie environnementale conduisant à utiliser plus d’eau, de détergents et ainsi d’aboutir à un bilan carbone augmenté (notamment par les allers-retours d’éventuelles navettes pour ramener vaisselle usagée et propre). « Nous souhaitons que nos enseignes puissent mener des expérimentations concrètes pour connaître la pertinence de ce projet et le bien-fondé des investissements énormes qu’il demande », clame le SNARR.
S’engager pour la planète et le faire savoir
Justement, pendant que certaines enseignes ont les yeux rivés sur l’appareil législatif et attendent que le cadre légal promulgue des interdictions pour agir, d’autres ont choisi de prendre les devants et d’être partie prenante de ce changement de mentalité qui concerne l’avenir de notre planète et de nos enfants. C’est le cas de Patapain, à la tête de 53 restaurants sur le territoire français et spécialiste d’une restauration rapide à la française (sandwiches, salades, pains et viennoiseries) qui s’engage joyeusement et sûrement sur plusieurs fronts – tri, verrerie réutilisable, lutte contre le gaspillage alimentaire. « D’abord, en ce qui concerne la consommation sur place, nous nous sommes attaqués au plastique et avons remplacé le gobelet en plastique donné à chaque boisson achetée et consommée par des (vrais) verres en salle où nous servons aussi tous nos cafés et autres boissons gourmandes », commence Eric Csorgei, directeur des achats et de la logistique du groupe France Restauration Rapide, « nous proposons aussi de la vaisselle en inox lavée dans chaque enseigne. Et pour la vente à emporter, nous proposons un gobelet en carton pelliculé et avons remplacé les kits de couverts en plastique par des couverts en bois, » continue-t-il. Exit aussi les sets papier sur les plateaux et les serviettes en papier bien blanchies au profit de papier recyclé.
(7) : Voir l’étude publiée par l’association Zero Waste France « Mc Donald’s : une politique déchets à contre-courant de l’économie circulaire ».