Un certain pourcentage d’additifs est nécessaire pour rendre hydrophobe le papier carton des gobelets
Alors que la DA est toujours dans la tourmente d’une actualité réglementaire chargée, et à ce jour encore incertaine, la profession avance très prudemment ses alternatives innovantes en matière de gobelets et spatules.
Loi AGEC : attente de l’arrêté fixant le taux de plastique autorisé et le calendrier de réduction
Après trois mois d’incertitude, la France a bien, malgré des avis circonstanciés (1) émis par l’Etat italien et la Commission européenne, maintenu son texte paru le 31 décembre dernier, posant l’interdiction au 3 juillet 2021 des gobelets composés entièrement et partiellement de plastique, y compris les gobelets utilisés comme emballages, assorti d’un régime d’exemption pour les gobelets contenant un certain taux de plastique. Mais l’arrêté censé fixer le taux de plastique autorisé, ainsi que le calendrier d’échéancier de réduction du taux de plastique n’est pas encore paru (attendu en avril), alors même que NAVSA a alerté à plusieurs reprises sur la nécessité d’accélérer le calendrier de parution de l’arrêté avec des acteurs en grande difficulté économique déjà fragilisés par la crise Covid qui ne peuvent pas, de surcroît, être privés de visibilité sur les contenants autorisés dans les mois à venir. Cependant, une concertation devant le Ministère de la Transition Ecologique et Bercy réunissant les industriels du papier-carton, les fabricants d’emballages et certaines organisations patronales (dont NAVSA) a eu lieu le 19 février dernier, et même si à l’heure où nous bouclons, cela n’est pas encore confirmé, l’arrêté « Trajectoire Gobelet 0 % plastique » devrait arrêter le calendrier suivant : 15 % de plastique autorisé au 3 juillet 2021 avec un échéancier de réduction de la teneur en plastique allant jusqu’à 0 % à plusieurs échéances : 10 % au 1er janvier 2023, 5 % au 1er janvier 2024 et 0 % au 1er janvier 2025. Ces échéances, et significativement les deux dernières sur lesquelles portent encore à ce jour des « négociations », posent problème. Selon NAVSA, « si l’autorité réglementaire a donné suite à une partie de nos demandes en retenant les dates et taux proposés pour la première partie du calendrier (10 % en 2021 et 15 % en 2023), l’échéance de 2024 est inventée par l’autorité réglementaire et ne correspond pas à la position de l’industrie, que nous avons relayée, tandis que celle de 2025 voit le taux de plastique ramené à 0 %, là où nous demandions que cette date soit le point de départ d’une réduction progressive en deçà de 10 % », pointe Yoann Chuffart, Délégué Général de NAVSA. Autre problème : le pouvoir réglementaire ne prévoit pour l’heure aucun délai d’écoulement des stocks des produits non conformes aux dispositions de l’arrêté au 3 juillet 2021, « une possibilité pourtant plus que nécessaire pour les acteurs de la DA alors même que la situation économique actuelle n’a pas permis aux gestionnaires d’écouler leur stock dans des conditions normales d’exploitation, et que les atermoiements réglementaires renvoient la fixation du cadre légal au plus tôt au mois d’avril », continue ce dernier. Il semblerait cependant que cette possibilité ait, à l’heure où nous bouclons, peu de chance d’aboutir, malgré les difficultés bien réelles dans lesquelles se trouvent plongés les acteurs de la distribution automatique. Mais NAVSA continue son combat et s’est engagée dans une seconde étape de négociation forcée avec les autorités publiques. Chez C.E.E Schisler Packaging Solutions, tout en étant très conscients du contexte plus que morose, on souligne le fait que les acteurs de la DA n’ont pas encore commandé de gobelets pelliculés (PE), alors que leur conformité est avérée au moins pour les deux ans à venir, et qu’une demande massive des acteurs à un instant t pourrait entraîner un problème de disponibilité. « Ce qu’il faut retenir, c’est que tous les gobelets carton qui existent actuellement sont bien autorisés à partir de juillet, sous toutes leurs formes ! Le challenge industriel des fabricants de gobelets et des fournisseurs de matières premières est colossal puisqu’ils doivent être en capacité de remplacer les volumes de gobelets plastique par des gobelets carton pelliculés ; mais si ces capacités ne sont pas sollicitées aujourd’hui, elles ne pourront être toutes déployées à un instant t, c’est pourquoi nous recommandons à nos clients de prendre de l’avance », détaillent Lucie Chevalier-Juneau, responsable grands comptes et Aurélie Chapoton, responsable marketing chez C.E.E Schisler Packaging Solutions. De son côté, NAVSA alerte aussi sur la pression particulièrement forte exercée sur les fabricants et leur amont de sorte que de vives tensions sont à craindre sur le marché de l’emballage (voir zoom hausse des matières premières p.18), en plus des difficultés techniques soulevées par l’industrie, qui l’empêche de garantir la mise sur le marché de produits de substitution conformes aux échéances envisagées.
Le règlement français (Directive européenne SUP)
Autre volet législatif très prégnant dans le contexte actuel : l’entrée en vigueur du règlement d’exécution 2020/2151 relatif au marquage des produits en plastique à usage unique adopté le 17 décembre 2020 par la Commission européenne qui complète la directive 2019/904 du 5 juin 2019 relative aux produits en plastique à usage unique (Directive SUP). Ce nouveau règlement européen, directement applicable en droit national à sa parution au Journal Officiel de l’Union européenne (2), concerne les gobelets pour boissons et impose un marquage spécifique – imprimé pour les gobelets carton, ou embossé pour les gobelets plastiques -, de tous les gobelets pour boissons comportant du plastique et mis sur le marché à partir du 3 juillet 2021, quelle que soit leur teneur en plastique. Une négociation est actuellement en cours à Bruxelles (3), conduite par la Fédération européenne de la Distribution automatique (EVA)(4), sur plusieurs sujets : d’abord, la définition précise de ce que signifie « contient du plastique » en fixant un plafond en deçà duquel le marquage n’est plus pertinent, même si pour l’heure et suivant la volonté de la Commission, il n’est pas prévu d’établir quelque exception que ce soit : soit un emballage contient du plastique, soit il n’en contient pas. Et ce quels que soient la quantité présente et le moyen par lequel le plastique est introduit dans l’objet final (collé, pulvérisé, appliqué, etc.). Deuxième élément sujet à négociation actuellement : une éventuelle autorisation d’écoulement des stocks de gobelets achetés et non marqués à compter du 3 juillet sous réserve qu’ils aient été fabriqués avant cette date. Plus fondamentalement peut-être, ce nouveau règlement a mis le feu aux poudres côté industriels du gobelet et gestionnaires, « parce que le logo et le message imprimés traduisent un amalgame dangereux : d’abord parce qu’un gobelet DA, distribué à 70 % en entreprises où il y a obligation de tri 5 flux, ne finit pas sa vie sur un trottoir et dans l’océan, ensuite parce qu’un gobelet carton pelliculé contient certes du plastique, mais 15 % au maximum, soit une réduction de 85 % de la matière plastique dans l’emballage… Ce règlement uniformise l’affichage et le message et, ce faisant, pose problème en opérant un raccourci fallacieux sur le sujet de la pollution plastique et gommant l’effort écologique déployé par les acteurs économiques concernés », précise Yoann Chuffart (NAVSA). Pour l’heure le marquage concerne tous les gobelets contenant du plastique, indépendamment du taux, ce qui équivaut à ravaler au même rang un gobelet plastique et un gobelet contenant 15 % de plastique ou 1 % (voire des traces ?). Or on sait que pour rendre un gobelet hydrophobe, il est absolument nécessaire d’ajouter des additifs au carton, dont une part de polymères, a fortiori pour les boissons froides à cause de l’effet de condensation. D’autant que sur le terrain, les difficultés d’application semblent innombrables : qui devra sticker manuellement chaque gobelet non marqué au 3 juillet 2021 ? Comment un gestionnaire, à la tête d’une PME qui réalise un CA de 2 millions par an et qui écoule plusieurs millions de gobelets au cours de l’année, pourrait-il, d’ici au 1er juillet, sticker l’ensemble de son stock ? Certains en font déjà l’archétype d’une réglementation technocratique impossible à appliquer sur le terrain… En plus du stickage, l’ouverture des rames de gobelets plastiques induirait un problème d’électricité statique provoquant ensuite des problèmes de machinabilité.
Quelles alternatives aux spatules ?
Interdites en version 100 % plastique depuis le 1er janvier 2021, avec une autorisation d’écoulement des stocks possible jusqu’à l’été (1er juillet), les alternatives aux touillettes plastique semblent relativement maîtrisées côté fabricants. Chez APS, on a choisi de travailler sur des agitateurs 100 % cellulose (papier pâte vierge) après avoir effectué « des recherches autour du bois dès 2010 qui se sont révélées trop onéreuses en France, et autour du plastique biosourcé (pas Home Compost). Depuis 2018, APS s’est concentré sur des papiers spéciaux capables de tenir plusieurs minutes », explique Pierre Le Gendre, Directeur d’APS. Le papier choisi se caractérise par des fibres très longues, très refermées et très compactes qui mettent beaucoup de temps à absorber l’eau. Après une phase de prototypage des spatules, et de fabrication dans la Sarthe, « des tests ont été menés chez plusieurs clients avec des résultats concluants ; même après 2h, les spatules gardent encore de la rigidité et même si elles sont gorgées d’eau, elles ne se décomposent pas, » précise Pierre Le Gendre qui indique aussi que les touillettes sont bien compostables industriellement et en attente de la validation Home Compost. Reposant sur la technologie Qwarzo, Flo Vending propose aussi des touillettes 100 % sans plastique, « grâce à une fibre papier 100 % vierge et à l’ajout de silice (15 g silice/kg) qui donne un surfaçage en verre capable de résister à la chaleur », explique Ludovic Delegrange, Directeur commercial chez Flo Vending, qui pointe qu’une dernière évolution de ces spatules (mars dernier) les rend beaucoup plus blanches et rigides ; quand Huhtamaki parie sur des agitateurs 100 % bois de bouleau.
Quelles alternatives aux gobelets emballage plastique ?
Côté gobelets, et pour la partie concernant la loi AGEC, les fabricants sont plutôt en ordre de bataille pour proposer à leurs clients des gobelets carton pelliculés à 15 % puis 10 % dans le temps imparti. L’incertitude qui demeure par ailleurs sur la mise en œuvre de l’obligation du « marquage tortue » (règlement d’exécution européen de la directive SUP européenne) risque d’impacter les gobelets dits « 100 % carton ou papier », mais qui comptent toujours actuellement un certain pourcentage de polymères pour former le gobelet, le souder et assurer son étanchéité (quel que soit a priori le procédé : collage, pulvérisation, application, etc.). Si l’obligation européenne d’étiquetage devait se confirmer quel que soit le taux de plastique (valable y compris pour les traces de polymère), certaines alternatives imaginées par les fabricants pourraient être tuées dans l’œuf au vu de leur prix de revient très élevé. Au contraire, si un régime d’exemption est accordé pour ces cartons, tout le marché sera preneur, ce qui induira de multiples tensions : des matières premières (le plastique aujourd’hui et sans doute demain le papier) qui pourraient manquer et augmenter significativement de prix (voir zoom hausse des matières premières p.18). Sur ce sujet Ludovic Delegrange (Flo Vending), attire l’attention sur le fait qu’à part la question du coût et d’une éventuelle obligation de marquage, le gobelet 100 % carton « Pure Paper » ne pourrait de toute façon remplacer dès maintenant les gobelets pelliculés plastique, « une solution insoutenable pour l’industrie papetière, avec d’énormes enjeux industriels non résolus derrière ». Même son de cloche chez C.E.E Schisler Packaging Solutions : « Nous n’avons pour l’heure pas la possibilité de passer l’ensemble des gobelets de tous les marchés dans notre qualité « Earth Cup », solution monomatériau sans film plastique et compostable à domicile ; c’est une question de volumes, de coût et de déploiement industriel, d’autant que nous sommes engagés commercialement avec notre partenaire SEGI qui achète aujourd’hui l’ensemble de notre production « Earth Cup » en format café 6 vending », éclaire Lucie Chevalier-Juneau (C.E.E Schisler Packaging Solutions). Audis, spécialiste des gobelets prédosés, communique dès aujourd’hui sur un gobelet prédosé « en papier, recyclable, sans aucune lamination, l’aboutissement d’un projet mené depuis deux ans avec un partenaire industriel », annonce son codirigeant Rémi Boddaert. Recyclables, mais en attente des certifications de compostabilité industrielle et Home Compost, les gobelets seront normalement proposés à la vente sous six semaines (en fonction des certifications obtenues et du dépôt de brevet en cours), « à des clients très impatients de pouvoir substituer les gobelets plastiques ou pelliculés ». Dans l’attente de la parution du règlement d’application de la Directive SUP, les fabricants préfèrent mettre en avant leurs gobelets avec laminage plastique PE ou PLA. C’est le cas chez Flo avec le gobelet monocouche (10 %, papier couché PE) ou chez Huhtamaki, où Claire Chassagne, Marketing Manager, promeut deux types de gobelets pelliculés « permettant d’assurer une transition entre plastique et carton : un gobelet carton pelliculé avec laminage PE ou PLA » ; ainsi que la nouvelle gamme de gobelets Compacto développée spécifiquement pour la DA (gobelets en carton pelliculé PE), « un gobelet en carton qui permet une machinabilité au plus proche de celle du gobelet plastique, avec un pas d’empilage réduit permettant de loger 30 % de gobelets en plus afin d’optimiser l’espace et le nombre de gobelets pour limiter les rotations et le passage des techniciens et ainsi réduire les coûts pour les gestionnaires et l’empreinte carbone générée », détaille cette dernière. Chez C.E.E Schisler Packaging Solutions, on se veut rassurant en proposant des gobelets carton + PE tout à fait compatibles avec l’obligation des 15 % de plastique au 1er juillet, et qui sauront s’adapter aux demandes réglementaires de réduction progressive du taux de plastique. Par ailleurs, les fabricants mettent aujourd’hui l’accent sur la recyclabilité des gobelets couchés PE ou PLA et la nécessaire implication des gestionnaires chargés du tri et de la collecte ; « Chez Huhtamaki, nous avons mené une expérimentation en 2019 avec Cafés Albert sur les gobelets en carton laminage PLA afin de recycler les gobelets utilisés hors foyer dans notre usine de la Rochelle. Vidés, puis triés, les gobelets sont ensuite transformés en « balles » (broyage) puis livrés dans notre usine de la Rochelle pour fabriquer des porte-gobelets ou des boîtes d’oeufs », détaille Claire Chassagne. Chez C.E.E Schisler Packaging Solutions, aussi, on cherche à promouvoir le gobelet carton pelliculé comme une solution durable à condition de correctement gérer sa fi n de vie ; d’ailleurs l’Alliance Gobelet Carton (5) devrait très prochainement lancer son site internet présentant de manière pédagogique les avantages du gobelet carton et la manière dont celui-ci peut être intelligemment recyclé et œuvrer à l’économie circulaire. Malgré un contexte post Covid-19 douloureux, et encore plusieurs incertitudes réglementaires, le mouvement vers moins de plastique et plus de responsabilité environnementale est quoi qu’il en coûte lancé !