La crise de la covid-19 aura laissé des stigmates profonds à la profession. Quelles sont ses forces et ses faiblesses, quelles sont les menaces et les opportunités du marché au moment où les gestionnaires tentent de redémarrer leur activité ? C’est ce que cette analyse SWOT synthétise.
Une analyse SWOT est destinée à mettre en évidence les facteurs internes et externes qui peuvent influer sur une entreprise ou un projet. On considérera ici la profession dans son ensemble. Les facteurs internes sont regroupés en forces et en faiblesses ; quant aux éléments extérieurs, comme le marché, la concurrence, les clients, la loi…, ils sont répartis entre les opportunités et les menaces.
Les forces
Une des caractéristiques du marché de la distribution automatique est qu’il est composé majoritairement de TPE et PME, des structures souples donc agiles qui s’adaptent plus facilement aux aléas que les grosses voire les très grosses entreprises, dont les structures nécessairement plus étoffées pèsent lourdement sur les comptes d’exploitation. Ajoutez à cela des chefs d’entreprise compétents qui sont surtout très impliqués parce qu’il s’agit de leur entreprise et qu’ils sont absolument déterminés à la faire survivre à ce chaos économique. Enfin, ces TPE/PME sont très ancrées localement et entretiennent des relations proches avec leurs clients, qui facilitent les discussions, même si la proximité ne constitue en aucun cas une garantie de succès dans les négociations.
Les faiblesses
Les faiblesses de la profession étaient déjà nombreuses avant le coronavirus, la crise n’a pu que les aggraver, malheureusement. La guerre des prix qui a laminé les marges depuis près de vingt ans a considérablement fragilisé bon nombre d’entreprises qui se retrouvent faiblement capitalisées, avec peu de trésorerie, un endettement massif et au final des bilans qui ne permettent pas, par exemple, d’accéder au Prêt Garanti par l’Etat (PGE) tant la situation de l’entreprise est précaire. En outre, le redémarrage implique une mécanique complexe et qui prend du temps, indépendamment des difficultés liées aux clients, et qui va s’avérer coûteuse. Plus le redémarrage sera lent, et plus les entreprises tarderont à récupérer un niveau d’activité comparable à ce qu’il était avant la covid-19. Notons que les chefs d’entreprise que j’ai pu entendre convergent vers un niveau de CA de 65 % à fin 2020 vs 2019 et émettent des doutes quant à un retour « à la normale » un jour.
Les menaces
Deux principales menaces vont influer durablement sur l’activité de la distribution automatique. Primo, même si l’on peut souhaiter que cela reste temporaire, l’interdiction d’accès aux salles de pause et la condamnation des machines. Des fiches métier maladroites émanant du ministère du Travail ont recommandé d’interdire les salles de pause, ce que de nombreuses entreprises se sont empressées de suivre, malgré toute la communication de NAVSA et des gestionnaires, ainsi que les actions entreprises pour démontrer tous les efforts des professionnels pour respecter les gestes barrière et garantir la santé des usagers. Secundo, une autre menace, plus grave celle-ci dans la mesure où il s’agit manifestement d’un comportement qui va perdurer dans le temps : le télétravail. En effet, aussi bien les salariés que les entreprises ont découvert toutes les vertus du télétravail. Durant le confinement, 40 % des salariés du secteur privé étaient totalement en télétravail. Si l’on considère ne serait-ce que deux jours de télétravail par semaine pour les salariés du tertiaire, ce sont 16 % des consommations dans les entreprises concernées qui échapperont aux gestionnaires. A ce propos et au cours d’une des conférences téléphoniques organisées par NAVSA, M. Joachim Mendes, président de Mend’s en Région Parisienne, faisait remarquer que durant les grèves de l’hiver dernier, le télétravail avait entraîné une baisse de CA de 10 à 15 %. A cela s’ajoute l’absence de déplacement, et donc l’absence d’achat aux DA dans les transports publics. Il est de ce fait prévisible d’enregistrer dans les prochains mois une contraction du marché, structurelle cette fois.
Les opportunités
Les opportunités immédiates résident dans les ventes de matériels sanitaires comme les masques et le gel hydroalcoolique, c’est assez opportuniste, mais il y a un marché aujourd’hui. Les nouveaux comportements, dont la distanciation sociale, vont générer de nouvelles opportunités en matière de restauration en entreprise. Ainsi, dans un article très intéressant de David Irvine posté sur le site de l’EVA (https://www.vending-europe.eu/covid-19-new-opportunities-for-vending), il est mentionné que dans certains immeubles de bureaux, la cantine a été remplacée par une série d’îlots équipés de distributeurs automatiques. Toujours selon l’EVA, les micro-markets pourraient susciter de l’intérêt dans les grands sièges, du fait de la variété des produits et de l’absence de contact, jusque dans le paiement. Je rappelle à ce propos la pertinence des armoires connectées pour la restauration, comme FreeGo de Sodebo ou OpenIT Solutions. La distanciation sociale impose un minimum de contacts avec les objets. Sur le plan technique, les dernières machines connectées du type Orchestra Touch permettent d’éviter tout contact avec la machine grâce à son application Breasy. Azkoyen vient de sortir une machine avec un écran tactile qui réagit à 2 centimètres de distance et évite tout contact ; SandenVendo et Jura proposent eux aussi des applications qui évitent d’appuyer sur une touche de sélection. Les automates sans-contact ont de l’avenir. Dans la même veine, le déploiement systématique de systèmes de paiement sans contact s’impose comme une évidence, les consommateurs ont peur du contact en ce moment et tout ce qui les en préserve est apprécié d’eux. Si le télétravail s’inscrit dans les moeurs, et que les volumes vendus baissent, il va falloir arithmétiquement augmenter la valeur pour tendre vers les chiffres d’affaires pré-covid. C’est sans doute le moment pour monter en gamme dans les offres, montée en gamme accompagnée d’une augmentation des prix. Cette revalorisation des prix sera d’autant plus nécessaire que l’exploitation va coûter plus cher, entre temps passé par les approvisionneurs et coût de leurs équipements de protection. Parallèlement à une amélioration de l’offre, il pourrait s’avérer intéressant de renverser l’adage « au bureau comme à la maison » et de proposer aux consommateurs « à la maison comme au bureau » avec des offres packagées OCS haut de gamme et du café que l’on ne trouve pas en grande distribution.
Des obstacles, mais des atouts
A l’évidence, le redémarrage dans la distribution automatique ne sera pas un long fleuve tranquille. Des sociétés de gestion ne survivront pas à la crise, ce qui bénéficiera aux survivantes qui récupèreront leurs sites. En espérant que cela ne se fasse pas encore une fois en cassant les prix, même si c’est prévisible, la profession a réellement besoin de retrouver de la valeur dans ses opérations. De surcroît, il serait totalement contre-productif de vendre à bas prix quand on a besoin de marge ; et fortement dommageable pour l’image de la profession dans son ensemble… ce n’est pas vraiment le moment. Parallèlement, cette fracture aura le mérite de générer de nouvelles opportunités de vente de produits et de prestations, que les professionnels sauront, assurément, saisir au bond. La DA perdurera, j’en suis convaincu, mais sans doute selon un autre modèle de commercialisation et de gestion.