Près d’Aix-en-Provence,
le centre de formation de
Ludovic Loizon édite des certifications qui font autorité pour les modules Caféologie et Latte Art.
Face à l’engouement pour l’univers du café, les professionnels du CHR mesurent de plus en plus les bénéfices d’un personnel formé, à la hauteur des nouveaux enjeux
Le métier de barista est à la mode. Pour le meilleur et pour le pire, cette profession évolue au rythme effréné de l’enthousiasme que le café suscite chez les consommateurs. On en aurait presque perdu la définition initiale de cette profession. Le barista se caractérise par sa connaissance exhaustive du produit, de la plantation à la tasse. Il est aussi celui qui le transforme et sublime un terroir. Pour Ludovic Loizon, expert reconnu à l’échelle internationale et directeur de Barista Bartender Solutions, le barista peut apparaître, tel que le terme italien le désigne à l’origine, comme « celui qui est derrière le bar. Cela expliquerait les dérivés jargonneux, je parle ici des termes bartenders, barmen et autres mixologues, dûs à l’effet de mode ». Tandis que l’engouement autour du cocktail a disparu rapidement, l’intérêt pour le métier de barista persiste. « Nous avons assisté à une première vague de candidats à la formation aux début des années 2010 qui voulaient ouvrir un coffee shop dans le cadre d’une reconversion professionnelle », raconte Ludovic Loizon. « C’était un métier attractif, riche en découvertes et rémunérateur. A cette époque, les organismes de formation se sont multipliés. Sans surprise, la plupart de ces professionnels, inexpérimentés, laissaient les candidats penser qu’ils maîtriseraient parfaitement le métier en trois jours d’apprentissage. Ce qui peut être suffisant pour un professionnel déjà averti n’est pas forcément vrai pour tout public, d’où la nécessité d’avoir un accompagnement sur le long terme pour ce genre de profil, et de diversifier les modules de formation, ce à quoi nous aspirons depuis le début de l’aventure ». Un grand nombre de coffee shops se sont alors ouverts dans les grands centres urbains… avec une durée de vie pour le moins incertaine : « On ne parle pas assez de tous ceux qui ont dû mettre la clé sous la porte très peu de temps après l’ouverture, séduits par l’idée que ce type d’établissement était facile à mettre sur pied et à faire perdurer. Ça n’est pas le cas », prévient-il. Quelques années plus tard, la montée en gamme attendue par le consommateur tire résolument le métier vers le haut. Les professionnels du CHR saisissent peu à peu la nécessité d’être à la hauteur de ces exigences.
Transmettre les gestes
Si la France a une véritable culture du café, elle n’en est pas moins en retard par rapport à d’autres régions du monde, moins sensibilisées à l’origine à cet univers. « Au Japon ou encore en Australie, il y avait tout à faire. Très rapidement, ces pays ont compris l’importance et la valeur d’un bon café et de sa mise en scène », raconte Michael McCauley, Directeur de l’Académie du Café de Cafés Richard. La qualité doit en effet trouver une expression à chaque étape de la commande. Du choix d’un café, en passant par la présentation de la carte, jusqu’à l’exécution de la recette, tous les maillons de la chaîne sont une chance de fidéliser la clientèle. Les formations proposent ainsi plusieurs modules, entre pratique et théorie. « Nous veillons tout d’abord à transmettre les gestes. A force de répétition, les candidats prennent du plaisir à les reproduire, et ils gagnent petit à petit en rapidité », explique Michael McCauley. « Les modules Barista Sommelier Du Café et Latte Art sont les plus fréquentés. Nous apprenons entre autres aux candidats à exécuter des motifs sur la mousse. Un bon café bien présenté dynamise la prestation et incite le client à commander à nouveau, ou à revenir dans l’établissement ». La formation permet en outre d’endiguer les contraintes inhérentes au turn over. « Nous recommandons à nos clients chaînés, particulièrement concernés par le turn over, d’élire une personne référente afin qu’elle puisse transmettre à son tour les bonnes pratiques aux équipiers », complète le Directeur des Ventes Office/Vending d’illycaffè. Également responsable de l’Universita del caffè, Wamer Montanari ajoute : « A défaut de ce type de profil, il est peut-être intéressant de faire suivre aux équipes une formation continue, afin que la qualité de la prestation soit rehaussée et surtout constante ».
Marketing et communication
A l’apprentissage des recettes, des bonnes pratiques en termes d’entretien et de quelques bases techniques pour régler la machine et ses accessoires s’ajoutent des notions de marketing et de communication. Elles tendent en effet à améliorer encore l’accueil du client. Il semblerait que les formateurs prennent soin de répéter que les formules de politesse d’usage et le sourire sont essentiels dans ce métier, le partage étant au coeur des valeurs véhiculées par le café. « Lorsque l’on prépare un candidat aux compétitions de barista, la communication est primordiale car il faut expliquer chaque étape de ce que l’on est en train de faire, séduire l’assistance en rendant le propos dynamique. C’est un métier de contact avant tout », rappelle Ludovic Loizon. L’accueil du client passe aussi bien par cet aspect communicant que par du marketing. Reste que ces modules s’inscrivent en majorité dans le cadre d’un service sur-mesure, tel que l’explique Michael McCauley : « cette dimension nous permet de développer des critères de différenciation par rapport au contexte concurrentiel de notre élève. Nous l’aiguillons par exemple sur le choix des boissons à sa carte ; sur la machine à choisir, et où la placer, sachant qu’elle participe à attirer l’attention du consommateur ». Pour sa part, Wamer Montanari renchérit : « Nous sommes en train de réétudier certains de nos modules pour enseigner aux candidats comment mieux vendre leur prestation, et faire grimper leur chiffre d’affaires. C’est un axe pertinent dans le paysage plus concurrentiel que jamais ».
Viser les formations diplômantes
Justement, ce climat de concurrence encourage les directeurs d’établissements à former leur personnel pour offrir une prestation à forte valeur ajoutée à des consommateurs de plus en plus informés et surtout de plus en plus autonomes : ils ont un bon café à domicile, et savent comment le préparer. Les ateliers ouverts au public, comme ce rendez-vous hebdomadaire dans l’Expresso & Brew Bar de Comptoirs Richard, rencontrent un vif succès : « Nous donnons ces cours tous les samedi matins, c’est systématiquement complet », raconte Michael McCauley. Certains aficionados se munissent même d’un mini-torréfacteur pour travailler leur café vert. « La torréfaction intéresse de plus en plus les consommateurs comme les baristas chevronnés », confirme Ludovic Loizon. « Nous enseignons les techniques de torréfaction depuis plus de deux ans, et les sessions ne désemplissent pas. Des torréfacteurs y assistent également pour éprouver de nouvelles techniques, au moyen d’outils modernes qui leur permettent de renouveler leur pratique, de la rafraîchir ». Une conséquence de l’entrée du métier de torréfacteur au MOF ? « Le MOF est un indicateur supplémentaire qui révèle le fait que le café est reconnu comme un produit à respecter », reprend Michael McCauley. « Le concours a contribué à faire découvrir d’autant plus nos métiers au grand public, tout comme l’influence des Chefs étoilés. Ils défendent aujourd’hui les notions de terroir et de valorisation du café. Cela contribuera à gonfler les rangs de nos ateliers, c’est certain ». L’écart entre professionnels et amateurs se resserre. C’est dire s’il est important de conserver un niveau de compétence et de qualité optimale. Dans cette optique, la formation diplômante (ex : Coffee Skills Program) trouve tout son sens. « L’engouement autour du métier de barista a généré pléthore de formateurs dont on peut, pour certains, douter de la légitimité. Cela a incité l’Etat à être beaucoup plus vigilant qu’autrefois, car les démarches d’accréditation sont plus contrôlées. Vous devez être bien sûr un bon barista mais surtout fin pédagogue, et doté d’une méthodologie qui respecte l’enseignement pour prétendre former à un métier », explique Ludovic Loizon. Le métier de barista semble toutefois avoir trouvé la reconnaissance qu’il attendait, grâce à plusieurs facteurs. Le travail soutenu de la SCA y contribue largement, des efforts couronnés par l’introduction de la catégorie torréfacteur au MOF.