Alors que la distribution automatique devait théoriquement reprendre son chemin, il en va tout autrement sur le terrain.
Bien sûr, la pause aurait eu un goût différent : fini les salles de pause bondées et les accolades, mais puisque les salariés ont pour une part repris le chemin des bureaux, et que la DA est officiellement autorisée, elle aurait dû recommencer avec, comme nombre de nos activités quotidiennes, une nouvelle cadence faite de gestes barrière, de réglementation d’accès aux salles de pauses, de limitation du nombre de personnes, de port du masque rendu obligatoire, etc… Mais il semble en aller tout autrement pour la DA, c’est ce que nous ont confié plusieurs gestionnaires. « Malgré les autorisations de réouverture, 35 % de nos clients – et les gros – maintiennent leurs salles de pause fermées. Malgré tous nos efforts pour les rassurer, nous nous heurtons à un mur », déplore M. le Boulch, cogérant de MDA basé à Pérols (34), qui compte une grande majorité de DA installés en entreprises. Pour Monsieur Vannier aussi, à la tête de la Distribution Automatique Issoirienne, le déconfinement ne sonne pas du tout la reprise d’activité : « La priorité n’est visiblement pas le café. Nous nous heurtons à des patrons très frileux et malgré les affichettes fournies par la Fédération NAVSA, les communiqués envoyés, le protocole signé du Ministère du Travail, le phoning, le mailing… beaucoup s’obstinent et ne veulent pas prendre le risque de rouvrir ces espaces car ils craignent pour leur responsabilité. Résultat ? Plus de la moitié de nos distributeurs restent interdits d’accès, cernés de rubalises et en avril, nous avons réalisé 10 % de notre chiffre d’affaires, avec l’arrêt de toute la partie événementielle et les fermetures des sites touristiques, des écoles et autres centres de formation. Nous aurions besoin d’un vrai coup de pouce médiatique à destination du grand public ». Et jusqu’à quand cette situation va-t-elle perdurer ? La question essentielle est sur toutes les lèvres, mais reste pour l’heure sans réponse – difficile pour les gestionnaires de se projeter sur une quelconque reprise avant septembre prochain. Anne Caron, à la tête des Cafés Caron qui a choisi de parier à 100 % sur des cafés exceptionnels de spécialité et compte environ 5 000 distributeurs automatiques, explique : « la crise de la Covid-19 intervient à un moment de fragilisation après le mouvement des gilets jaunes et les grèves ; nous comptions sur le mois de mars pour faire repartir l’activité et tout s’est arrêté. Sur 60 approvisionneurs, seuls 5 sont restés en activité. A moyen terme, nous craignons que les habitudes de télétravail s’installent et une autre difficulté s’ajoute pour nous, spécialisés dans la qualité, c’est de garder le cap sans pouvoir aller chercher des points de marge en choisissant des cafés moins chers, ce qui serait totalement antinomique avec nos racines et tout ce que l’on a mis en place jusqu’à maintenant. Nous voilà donc avec une double tâche : rassurer et donner envie de boire un bon café ». Et pour rassurer, Anne Caron a diffusé un livre blanc de la DA pour être force de proposition et expliquer simplement les choses à mettre en place pour continuer à prendre son café en toute sécurité car « faire changer les habitudes serait encore plus risqué », souligne cette dernière. Les témoignages concordent et font état d’un sentiment d’impuissance mêlé à de l’incompréhension, et d’une crainte plus diffuse sur l’avenir de la profession confrontée à une baisse de consommation conjoncturelle à laquelle elle devra faire face.