Se faire plaisir, mais pas à n’importe quel prix
La catégorie des biscuits et pâtisserie est dominée par le plaisir et par des tendances consommateurs qui mettent au coeur de la proposition les notions de santé et de responsabilité. Face à cette polarisation, certes de moins en moins nette grâce aux efforts de tous les industriels pour réunir les deux aspects, quel est donc aujourd’hui l’assortiment gagnant en DA ?
L’achat au distributeur automatique est depuis tout temps conditionné par une mécanique d’impulsion. Elle est foncièrement liée dans les représentations à des achats « plaisir ». « La notion de plaisir et de gourmandise reste une attente forte sur le marché du biscuit, c’est d’ailleurs une tendance générale sur le food », indiquent Aurélie Dubois Dit Nais, Category Manager Impulse et Aurélie Paque, Category Manager Biscuits chez Ferrero. La preuve en est : le TOP 10 des meilleurs lancements 2020 rassemble six références sucrées et typées « plaisir ». Nielsen a également récemment publié sa typologie nutrition en France avec un fort développement des profils consommateurs « Conviviaux » (+2,4 pts de pénétration) qui sont en recherche de goût et de plaisir dans leur alimentation. Cependant, les tendances évoluent vers une gourmandise moins coupable, plus « healthy » et alignée avec des considérations d’ordre éthique liées à l’environnement, au bien-être du vivant plus généralement. En filigrane, on voit ici pointer le besoin de sécurité qu’expriment les consommateurs : « Les études sur les comportements le confirment », avance l’équipe de Mondelez France. « L’heure est à la réassurance et, pour cela, le consommateur se tourne vers des marques « repères » historiques telles que Milka ou Oreo, mais aussi des fabrications françaises comme LU. Les marques connues et reconnues permettent de concrétiser l’acte d’achat car elles rassurent sur la qualité du produit. Néanmoins, l’innovation continue à jouer un rôle clé, elle attire le consommateur et permet de varier les plaisirs ». En d’autres termes, les industriels développent aujourd’hui des produits qui font la passerelle entre les deux dimensions.
La DA, royaume des gourmands ?
Sans surprise, le chocolat reste moteur absolu de croissance de la catégorie biscuits. En GMS, le segment des biscuits chocolatés pèse 53 % du marché (en valeur), et contribue à 93 % à la croissance de la catégorie biscuits. Avec ses nouvelles références, BReady, Nutella Biscuits et Kinder Cards, Ferrero tire le rayon vers le haut : le marché des biscuits qui était stable, voire décroissant, est reparti à la hausse notamment depuis sa présence et ses lancements récents. Ces innovations ont en effet permis de rebooster la catégorie. « D’ailleurs, toutes nos innovations se sont positionnées en première place du classement des meilleurs lancements food (cf. Nielsen). Cette année, malgré un contexte sanitaire sans précédent, Kinder Cards suit la droite ligne de Nutella BReady et Nutella Biscuits avec un niveau de pénétration de 8,1 % et 33 % de réachat (source Kantar P9 2020) », confirme l’équipe de l’industriel. « En quelques chiffres, le marché des biscuits est en croissance (en valeur) à + 1,2 %. Ferrero (dont Delacre) dynamise largement la catégorie avec 79 % de contribution aux gains et atteint 9,6 % de PDM (+ 2,2 points vs l’an passé). Sans nos marques, la catégorie serait négative (datas Nielsen en CAM P09 2020) ! ». Les grandes tendances en GMS rayonnent naturellement sur le circuit de la DA. Les produits leaders assurent les rotations, cependant ils épousent le mouvement du responsable, et renforcent ainsi leur positionnement en faveur d’une consommation durable et donc tendent à rassurer le consommateur.
Le « clean », pivot d’innovation
Ils modifient donc leurs recettes et leurs emballages à l’aune du « clean ». « Fidèle à notre signature ‘Snacking Made Right’, nous améliorons constamment nos recettes au sein de notre département R&D. De manière générale, nous utilisons de plus en plus d’ingrédients reconnus pour leurs atouts nutritionnels, comme les céréales complètes, et avons diminué la teneur de certains produits en lipides, acides gras saturés, sucre et sel », détaille l’équipe de Mondelez France. Le « clean » est devenu le nouveau pivot d’innovation majeur, et s’exprime à tous les niveaux : ingrédients naturels, développement de filières durables, transparence des produits, packaging recyclable, etc. Si autrefois les démarches étaient isolées, elles s’inscrivent désormais dans un « plan » d’envergure. Ces « programmes », charriant avec eux la sémantique de la campagne et donc de l’engagement public, se multiplient chez les leaders. Le « clean » est une affaire de long terme, c’est bien ce qui est transmis au public, ce qui permet de court-circuiter le « clean bashing » parfois trop rapidement invoqué. Au-delà de ses recettes, Mondelez fait aussi le choix de la responsabilité en ce qui concerne les ingrédients présents dans ses produits. Harmony est le programme européen de blé durable de Mondelez International. Il s’agit d’un partenariat avec des agriculteurs, situés à proximité des usines, qui cultivent du blé dans le respect d’une charte stricte. 65 % du blé utilisé dans les marques de biscuits de Mondelez en Europe provient des partenaires du programme Européen de blé durable du Groupe, Harmony. Lancé en France il y a 10 ans, 1 500 agriculteurs sont partenaires d’Harmony en France et 98 % des biscuits LU sont fabriqués à base de ce blé durable dans l’Hexagone. Cocoa Life vise à développer une filière d’approvisionnement en cacao durable permettant d’améliorer la vie des cultivateurs de cacao et de leur communauté, de préserver les forêts et de lutter contre les changements climatiques dans six pays producteurs. 63 % du cacao utilisé dans les marques de chocolat du groupe provient du programme d’approvisionnement durable Cocoa Life (+ 20 pts par rapport à 2018), au sein duquel plus de 175 000 producteurs sont formés aux pratiques durables (+22 % vs. 2018). En parallèle les acteurs de l’agroalimentaire communiquent sur leurs efforts et donnent des indications chiffrées précises au consommateur via leurs sites internet ou des applications. Ceci contribue à rassurer le consommateur sur les effets réels de la stratégie de la marque et à confirmer la caution qu’il donne par son acte d’achat.
Le « fabriqué en France » ou l’amour des choses simples
En termes de réassurance, l’idée du « fabriqué en France » fait son œuvre auprès des consommateurs. En effet, la gourmandise est souvent liée à un effet « madeleine de Proust ». Le consommateur y associe des recettes de l’enfance, partagées en famille, qui activent des souvenirs d’odeurs de beurre, de sucre, de chocolat, de portion généreuse, autant de marqueurs qu’il souhaite voir réactivés dans les biscuits et pâtisseries industriels. C’est ainsi que St Michel assoit son rayonnement en GMS comme en DA, grâce à ses produits phare, la madeleine et la galette pur beurre, et leurs innovations. « Entre nos recettes authentiques et gourmandes et la bonne image de la marque, notre arrivée sur le segment du goûter et la gamme chocolatée a trouvé une résonnance auprès des Français. Avec le bio, il s’agit des trois axes d’innovation qui tirent, a fortiori aujourd’hui, notre croissance vers le haut », explique Gaël Randegger, Chef de produits St Michel Professionnel. « La DA est un espace de vente dans lequel le consommateur doit pouvoir retrouver des produits simples, authentiques, et gourmands tout en atteignant une forme de satiété. Nos produits font partie des best-sellers en termes de rotations car ils remplissent ce contrat tacite ». Un nouveau produit St Michel fera son entrée dans la DA en début d’année prochaine : la galette traditionnelle sera agrémentée d’un « cœur » de chocolat. Les éléments de réassurance se retrouvent dans le packaging, où les indications « pur beurre », « farine de blé française » et « poules élevées en plein air », tout autant que la mention « entreprise familiale depuis 1905 » font écho auprès du consommateur : il s’y retrouve en termes de localité et d’authenticité, valeurs primordiales dans le contexte actuel. Portant ces valeurs d’authenticité et de goût des bonnes choses simples dans son ADN, l’entreprise Goulibeur redynamise sa présence en DA avec la sortie de sa galette aux pépites de chocolat. L’entreprise française est en pleine reconquête du secteur de la DA. Le lancement d’une nouvelle référence, la galette aux pépites de chocolat, prévue pour l’année prochaine, est l’occasion pour Goulibeur de moderniser la charte graphique de ce produit, tout en développant un packaging plus clean. « Nos ingrédients sont sourcés localement, autant qu’il est possible, et nous gardons la main sur toute la chaîne de fabrication de nos recettes et de leur conditionnement afin de garantir un résultat à la hauteur de nos prérogatives et de la confiance des adeptes de la marque », explique Alain Garrec.
La gourmandise en mode oustider
En parallèle de ces initiatives, d’autres acteurs de la DA parient sur un assortiment hybride. L’entreprise Neshu, spécialisée dans la prestation de boissons chaudes premium, mise sur la tendance consommateur à aller vers des produits de snacking plus sains. Cependant, il s’agit de trouver un équilibre entre les intentions et la pratique : « Nous dédions 15 % de notre planogramme aux snacks sains, tandis que l’autre partie de l’assortiment répond à des habitudes de consommation très ancrées. Le DA idéal propose aujourd’hui une mixité qui per- met au consommateur de choisir selon son humeur, le moment de la journée et autant de paramètres pas forcément quantifiables. Le tout est qu’il sente qu’il a le choix, donc la maîtrise », explique Mariam Petrossian, Responsable des ventes. Dans cette catégorie des produits dits « sains » ou « naturels », Gerblé s’impose comme le top seller des assortiments de Neshu : « Les biscuits Gerblé Pocket au chocolat et le croquant sésame représentent nos meilleures ventes sur cette partie. Gerblé est une marque au rayonnement fort, avec des produits éprouvés dans les foyers et que les consommateurs sont heureux de retrouver sur leur lieu de travail », explique Mariam Petrossian, avant d’ajouter que les recettes authentiques et gourmandes à base d’ingrédients naturels de « La fabrique à cookies » se vendent également très bien. « Nous ambitionnons de pousser nos produits bio Gerblé sur le devant de la scène », insiste Jean-René Pellicer chez Nutrition et Santé. « La situation actuelle a en effet provoqué le renforcement des exigences consommateurs à propos des qualités nutritives d’un produit, son impact sur la santé et sur l’environnement. En parallèle, nous tenons à envoyer des signaux clairs en poursuivant les meilleures notations possibles sur l’échelle du Nutri-Score ». Afin d’amener les utilisateurs vers des produits les moins transformés possible, comme les fruits par exemple, Neshu prévoit enfin de multiplier les séances de dégustation : « Il est évident que l’adage ‘goûter, c’est adopter’ se vérifie toujours lorsqu’on teste nos produits alternatifs auprès de nos clients. Nous avons donc dans l’idée d’installer cette démarche avec beaucoup plus de régularité ». « Nous travaillons avec des gestionnaires indépendants ou rattachés à des groupements qui cherchent des produits alternatifs pour se différencier de la concurrence », ajoute Jean-Philippe Nichanian, à la tête de l’entreprise Gourmalliance, qui fournit tout type de sites de DA soit des réseaux pétroliers, établissements de santé publics et privés, universités, etc. « Nous avons un objectif commun et notre fierté est de fournir des produits beaux, bons et générateurs de croissance et de valeur ajoutée ». Devant des consommateurs de plus en plus avisés en termes de nutrition et plus vigilants sur les prix à cause de l’effet Covid sur leur pouvoir d’achat, Gourmalliance offre une alternative calibrée pour répondre à ces enjeux. L’entreprise vient notamment de placer deux références vendues aux alentours d’1 Euro l’unité : une barre de fruits de la marque Richard et Jean, 100 % vegan et sans gluten de 35 g et une référence de cookies français de la marque L’Atelier des Gourmands, conditionnée dans un sachet de 40 g comprenant deux unités. Emmanuel Gonin, client de Gourmalliance et gérant d’EG DISTRIBUTION à Fréjus (83) : « Les Cookies Français rencontrent leur public dans la mesure où ces biscuits sont fabriqués en France, constitués d’ingrédients bons, sains et naturels, et la portion est généreuse ».