Barista, consultant
et entrepreneur, Emmanuel Buschiazzo adapte ses modules de formation à la demande de ses clients.
Du grain jusqu’au service de la tasse, la professionnalisation donne du grain à moudre aux torréfacteurs, aux écoles et aux centres de formation qui doivent combiner les aspirations des prétendants à ce métier avec la raison économique.
L’entrée du mot « barista » dans le Larousse 2018 vous a peut-être échappé. Un tantinet sommaire et associée à l’univers du bistrot *, cette avancée pourrait contribuer à la reconnaissance de ce métier à part entière en Italie, alors que sa définition anime encore les débats à l’intérieur de nos frontières. « En prolongement de la préparation du café et d’une parfaite exécution des recettes, le barista doit savoir parler du café comme le sommelier sait parler du vin », défend par exemple notre interlocuteur chez Lavazza France. Véhiculée par de nombreux médias et régulièrement citée par plusieurs professionnels interrogés dans le cadre de notre enquête, l’expression « sommelier du café » fait sortir Emmanuel Buschiazzo de ses gonds ! « Non seulement ce raccourci n’est pas nécessaire mais il dessert le métier de barista », s’insurge le fondateur du Réseau des baristas de France en justifiant sa position en ces termes : « Le barista a une connaissance unique du produit, de sa transformation et de sa dégustation, et ses compétences techniques sont inexistantes chez le sommelier. A moins de dire que le sommelier est le barista du vin, laissons-les à leur place, et parlons du barista comme le spécialiste de la connaissance, de la transformation et du service du café ». Retenus volontairement pour leur caractère bien trempé, ces points de vue illustrent la complexité d’un métier en vogue dont la réussite ne laisse aucune place à l’improvisation ou à l’amateurisme. En effet, parce qu’il est l’ambassadeur de la qualité du café en réseaux hors domicile, un barista, digne de ses pairs italiens, justifiera de multiples compétences acquises lors de formations théoriques et pratiques dédiées. A l’initiative des torréfacteurs ou de structures indépendantes, les lieux de formation se multiplient à un point tel qu’il serait ambitieux de vouloir dresser un panorama exhaustif du marché. En revanche, certains éléments pourraient en préciser les contours qui, à terme, viendront structurer l’offre.
Le pôle Education de la SCA fait peau neuve
Parmi les événements récents, la fusion intervenue en janvier 2017 entre les entités européenne et américaine de la SCA devrait bénéficier au pôle Education qui délivre des formations certifiées faisant autorité dans le milieu et ce, au niveau international. Dans l’objectif d’unifier les systèmes, le Coffee Skills Program (CSP) remplacera, en janvier 2018, le Coffee Diploma System, sans pénaliser les candidats en cours de certification, qui obtiendront les équivalences d’usage. « Le CSP bénéficie de l’apport des professionnels qui contribuent à l’élaboration des modules, de celui des guildes de baristas et de torréfacteurs, et du Comité de Recherche de la SCA », ajoute Ludovic Maillard, le formateur agréé AST auprès de la SCA annonçant « une architecture équivalente des modules légèrement revus selon un contenu techniquement optimisé ». En plus des six modules classiques, la SCA réfléchit à créer des modules « Management » et « Création de coffee-shop » orientés sur la vie de l’établissement, un module « Origines » axé sur le développement durable et pourquoi pas, un module « producteurs de machines » demandé aux USA par ladite profession. En France et partout dans le monde, ces projets se justifient par l’accroissement de la demande en formations certifiées et reconnues par un diplôme. « Cette tendance est accentuée par la médiatisation des concours internationaux auprès du grand public et la désignation, fort attendue, du Meilleur Ouvrier de France option Torréfaction en 2018 », ajoutent les professionnels.
Le financement de la formation en ligne de mire
« L’objectif de notre nouvelle universalité est d’inscrire nos formations à l’inventaire des métiers de catégorie C pour que leurs modalités de financement s’intègrent au compte personnel de formation », poursuit Ludovic Maillard en soulignant « le gros travail de lobbying effectué par l’entité française de la SCA auprès des instances concernées ». De la même manière, Ludovic Loizon oeuvre activement à ce que les baristas soient répertoriés dans la liste des métiers reconnus, au même titre que les barmen limonadiers, et faire en sorte que son centre de formation, BB Solutions, confère un diplôme d’état. « Nous occupons une niche mais nous sommes sur la bonne voie pour faire valoir nos formations ; ce sera sans doute fait dans une dizaine d’années ! », plaisante Ludovic Loizon. Pour l’heure, BB Solutions valide les formations sous le terme « barman, monde de la nuit » qui abrite le module barista. « Dans le cadre de notre centre de formation agréé, le financement des porteurs de projets est pris en charge par Pôle Emploi », indique pour sa part Sadry-Alexandre Abidi en précisant que Café Mokxa forme gratuitement ses clients. Cette règle est rappelée par les torréfacteurs interrogés défendant une marque, et gageons qu’elle vaut pour ceux qui ont échappé à notre enquête !
S’adapter à la diversité des profils
Au-delà de conférer les compétences spécifiques au métier de barista, d’amont en aval, les centres de formation tendent de plus en plus à personnaliser leurs cursus afin de s’adapter à la diversité des profils qu’ils accueillent. Dans un espace intégré à sa boutique parisienne, la Maison Caron reçoit nombre d’avocats, informaticiens et autres cadres en reconversion, à l’étonnement de Xavier Vuillemin. « Comme tous les métiers de bouche, le café suscite des vocations », commente le responsable marketing du torréfacteur francilien, qui relève que « forts de leur niveau de qualification souvent élevé, ces demandeurs optent pour des sessions longues et pointues ». « Coffee-shops et lieux dédiés au café comptent parmi les nouveaux entrants à l’Académie du Café », constate pour sa part Anthony Calvez, en précisant que « sans sortir de son métier, Cafés Richard est amené à conseiller le professionnel sur le matériel à acquérir en fonction de son projet ». En vertu de son positionnement particulier, Maxicoffee propose, au sein de son école, une offre de consulting et d’accompagnement à la définition du business plan, d’agencement des établissements, de création de cartes boissons, de gestion des coûts des matières premières… Ces réalités économiques sont également prises en compte par les modules proposés par Terres de Café, tandis que Lavazza accompagne les porteurs de projets indépendants via un partenariat complet qui implique toutes les équipes en termes d’aide à la vente et de mise en avant de la marque.